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Le warrantage du maïs renforce la sécurité financière des femmes et des jeunes du Plateau

Bien qu’elle occupe plus de six millions de la population active au Bénin, l’agriculture dans son état actuel est encore loin de sortir les acteurs ruraux de la précarité. A la méconnaissance des bonnes pratiques culturales et les faibles compétences de gestion s’ajoutent le mauvais état et l’indisponibilité d’infrastructures agricoles adéquates. Contre ce tableau déceptif, le Programme Approche Communal pour le Marché Agricole phase 2 (ACMA2) a introduit le warrantage dans ses zones d’intervention. Une forme de crédit qui émancipe financièrement les acteurs agricoles. Dans le département du Plateau, les acteurs de la filière maïs plus particulièrement les jeunes et les femmes y ont trouvé leur salut et ne peuvent plus s’en passer.

Au Bénin, le maïs est la denrée agricole la plus consommée après le manioc. Depuis 2016, cette céréale connaît un rendement exponentiel avec une production qui s’établit à 1 628 149 tonnes en 2021 (DSA-MAEP 2022). Les zones méridionale et centrale du pays concentrent le plus d’acteurs dans la filière à la faveur d’un climat propice pour la production de cette céréale et des habitudes alimentaires et commerciales qui justifient l’intensification de la production du maïs.

Néanmoins, les difficultés liées à la production et les conditions précaires de vie des acteurs ruraux poussent ces derniers à brader leur production sur le marché au moment où le prix est encore au plus bas. Une situation qui condamne ces acteurs à la précarité et à l’insécurité alimentaire. Le programme ACMA2 a alors entrepris de donner la capacité aux producteurs de ses zones d’intervention de briser ce cycle vicieux à travers le warrantage des produits agricoles soutenus, dont le maïs.

Des deposants inspèèctent les sac de ma¨s mis en warrantages dans le magasin de 2000t de Pobè

Le warrantage, la solution anti bradage du maïs

«  Le warrantage consiste à déposer en stock des produits issus de la récolte agricole afin de rentrer en possession d’un crédit pour satisfaire d’autres besoins. », renseigne Narcisse Dadjo, chef d’agence de la Caisse rurale d’épargne et de prêt (Crep) d’Ikpinlè.

Il s’agit donc d’un produit de financement qui permet aux acteurs agricoles de mettre leur production en garantit dans un magasin dont une institution de micro finance (IMF) détient la clé.

Ils contractent alors un prêt qui représente 70 à 80 % de la valeur du produit sur le marché en période d’abondance. Le produit en stock sera commercialisé de façon groupée au meilleur prix sur le marché. Les recettes des ventes permettent de rembourser le crédit contracté et les intérêts. L’excédent qui s’en dégage est retourné aux producteurs pour servir d’investissement. Cette approche limite considérablement le bradage des récoltes et pallie un peu aux nombreux problèmes des acteurs.

Selon les confidences des producteurs, ce mécanisme est plus que salutaire et leur permet de briser le cercle vicieux. Au démarrage de la campagne, ils doivent mener les activités de labour et d’acquisitions d’intrants. Ces premières activités nécessitent une main-d’œuvre, des machines agricoles et une ressource financière pouvant couvrir les charges. Au moment d’écouler leur récolte, ces producteurs se heurtent à des pistes cahoteuses et impraticables, et donc aux coûts élevés du transport. À ceci, vient s’ajouter le manque d’infrastructure de stockage, la volatilité des prix et surtout le manque d’éducation financière dans la gestion de leur exploitation.

Les indispensables du warrantage

Le warrantage a l’avantage d’être un crédit à court terme dont l’échéance varie entre trois et six mois. L’agriculteur ne verse à son organisme prêteur qu’un intérêt fixe et mensuel équivalent à la durée de mise en garantie de sa récolte.

crédit warrantage de maïs
Avec le warrantage, les producteurs et commerçants contractent un prêt qui représente 70 à 80 % de la valeur du produit sur le marché en période d’abondance.

Mais cela ne serait possible sans une bonne capacité de production, des conditions de stockages sécurisés et un organisme de crédit désireux de s’engager avec les acteurs dans le processus. Le programme ACMA2 a alors identifié le besoin d’une infrastructure de stockage approprié pour le maïs. À cet effet, il a doté les acteurs d’un parc à maïs avec un magasin de stockage d’une capacité de 2000 tonnes.

Ce bâtiment constitue un centre de mobilisation et d’échange de l’offre à travers un circuit formel. Sa gestion est assurée par un comité multi acteurs composé des membres de l’Union communale des coopératives villageoises des producteurs de maïs (UcomCVP) de Pobè et de l’Association communale des commerçants de maïs Afèrèbè Chola. Ceci sur la base d’un contrat d’affermage avec la mairie de Pobè. L’organe jouit de l’assistance technique d’un gestionnaire comptable.

« J’accompagne les commerçants ainsi que les producteurs de maïs à mobiliser un volume important de stock, à vérifier la qualité des produits afin de prévenir toute contamination. », explique Salomé Biaou Dansou, Gestionnaire comptable du magasin de maïs de Pobè.

Celle-ci précise qu’elle élabore le plan d’affaire, à soumettre à l’IMF pour la demande du crédit, assure le suivi des stocks et à la tenue des comptes de gestion. L’IMF a convenu d’appliquer aux acteurs un taux d’intérêt préférentiel de 1 % par mois sur les crédits accordés. Parallèlement, ces acteurs ont bénéficié de multiples séances de formation sur les itinéraires techniques de production et de conservation du maïs, la gestion intégrée des ravageurs sur les exploitations et sites de stockage pour une mobilisation quantitative et qualitative de l’offre de maïs.

Un bilan positif pour la phase expérimentale

Avec un background solidement constitué, les acteurs PEA Maïs du Plateau ont entrepris leur première expérience du warrantage au cours de la campagne 2020-2021. « On a pu mobiliser 80 tonnes avec les commerçants et 17 tonnes avec les producteurs, avec un prix de stockage de 21 000 francs CFA le sac. Les acteurs qui ont exprimé le besoin de crédit ont reçu 70 % de cette valeur. », révèle

Salomé Dansou Biaou, Gestionnaire du magasin de stoge de 200t de Pobè coordonne le déstockage du maïs warranté.

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Le déstockage des sacs de maïs déposé à 21 000 a été effectué à 28 000 francs pour le maïs blanc et 30 000 francs pour le maïs jaune, ce qui équivaut à une vente de plus de 20 millions de francs CFA. Après le prélèvement des frais d’entreposage au magasin, et autres charges d’entretien, plus de 13,5 millions de francs CFA ont été redistribuées aux déposants. Cette première expérience a été pour les acteurs un succès qui a dépassé leurs espérances. Producteurs et commerçants ne tarissent pas d’éloges pour ACMA2.

Un crédit salvateur pour les femmes et les jeunes

Ces resultats font notamment le bonheur des jeunes et des femmes.

« Le warrantage est la solution pour celles qui manquent souvent d’argent. Cela me convient bien puisque l’argent que j’ai perçu par le prêt m’a véritablement aidé » confie Zénabou Bakari, commerçante de maïs sur le parc de Pobè.

D’ailleurs, ces femmes représentent la majorité de l’effectif des déposants au cours de cette campagne, car l’association Afèrèbè Chola de plus de 250 membres est à dominance féminine.

Zénabou Bakari
Dame Zénabou Bakari, commerçante de maïs à Pobè salue le programme ACMA2 pour le warrantage

Quant aux jeunes, ils manifestent davantage d’engouement pour l’agriculture et y trouvent une porte de sortie contre le chômage et la précarité. Dayissi Ayéroumi, la trentaine environ exploite désormais plus de 3 ha de maïs à Onigbolo. Ceci pour mobiliser une plus grande quantité de maïs pour la campagne agricole 2022-2023. Son succès au cours de la première campagne motive de nombreux autres jeunes de la localité dont Roger Kotchèlou. « Pour le stock qui est en magasin maintenant, j’ai déposé 13 sacs de 105 kg, ce qui équivaut à 1,3 tonnes», avoue-t-il. Ce faisant, Roger espère réinvestir les recettes de ses ventes dans d’autres activités génératrices de revenus.

Pour l’IMF, le warrantage est un produit sécurisé.

« C’est un crédit très sûr parce que le produit que tu finances est en garantie dans un magasin dont tu détiens la clé. […] Dès lors qu’il est vendu, on rentre aussitôt en possession de notre remboursement », explique Narcisse Dadjo.

De même, les conflits qui naissent des prêts que les acteurs contractent auprès des usuriers relèvent désormais du passé. Toute chose qui améliore leur condition de vie et de production et les prémunit contre la pauvreté et l’insécurité alimentaire.

La mévente fait craindre le pire aux acteurs agricoles

Avec un bilan aussi reluisant pour tous les protagonistes dans le département du Plateau, le warrantage a pris un véritable envol. Le programme ACMA2 a mis en place tous les moyens nécessaires pour garantir l’autonomie des acteurs et la continuité du processus en organisant le transfert des outils et compétences de gestion du magasin. De plus, les acteurs connaissent désormais les bonnes pratiques pour produire du maïs de bonne qualité et pour les conserver durablement. De même, sur la plateforme du Système d’Information et de formation Technique (SIFT) se trouvent des contenus pédagogiques en plusieurs langues sur les bonnes pratiques de culture, de conservation et de gestion intégrés du maïs contre les ravageurs.

Le département de la facilitation de l’accès au marché d’écoulement a par ailleurs mis un répertoire d’acheteurs à la disposition du comité multi acteurs de gestion du parc. De même, les Imf, notamment Unacrep, consentent à continuer de pratiquer les taux préférentiels de crédit warrantage aux acteurs afin de conserver les acquis du programme. Avec tout ce dispositif et la forte mobilisation de l’offre au cours de la campagne 2021-2022, les acteurs sont davantage motivés. Néanmoins, pour la campagne de warrantage 2021-2022 qui représente la deuxième expérience, plus de 400 tonnes de maïs ont été mobilisées. Les acteurs ont encore une importante quantité de ce stock au magasin alors qu’une nouvelle récolte de maïs abonde déjà sur le marché.

Les acteurs ont encore une importante quantité de ce stock au magasin alors qu’une nouvelle récolte de maïs abonde déjà sur le marché.

Malgré l’enthousiasme des acteurs, le warrantage a du plomb dans l’aile, car le stock est menacé par la mévente. Ceci risque de freiner le remboursement des crédits. En effet, le gouvernement a interdit la réexportation de céréales vers les pays voisins. Une mesure qui vise à limiter la hausse des prix des produits de première nécessité sur le marché local.

Pendant ce temps, le stress monte auprès des acteurs agricoles. « Nous avons encore du stock à écouler. Or le délai de remboursement du crédit est dépassé. L’Unacrep nous réclame déjà son argent. » se plaint Zenabou Bakari. Sylvain Adégbolou affirme avec certitude que si les conditions du marché ne sont pas favorables, il ne s’engagerait pas dans une autre campagne. Il ajoute que de sa position de responsable du parc, il militerait pour que ses pairs en fassent autant. Comme tous les agriculteurs qui voient cette mesure gouvernementale du mauvais œil, Dayissi Ayéroumi estime que cette mesure doit être revue.

« Qu’on le veuille ou pas, nous devons réexporter le maïs. Mais les conditions peuvent être définies. », Suggère-t-il.

Ainsi, l’amélioration de l’accès des acteurs agricoles ruraux aux marchés rémunérateur est restée en tête des priorités du programme ACMA2. À travers le warrantage, ceux-là vendent leurs produits à des prix rémunérateurs via des circuits formels. Ils sont alors motivés à investir de plus en plus dans leur propre exploitation et à accroître la quantité, la qualité et la diversité des biens qu’ils produisent. Mais, leur effort ne peut prospérer que si les conditions socioéconomiques et réglementaires sont favorables.

Méchac AWOKOLOÏTO

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