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« L’agripreneur doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour parler de son produit»

La valorisation des produits agroalimentaires locaux constitue un défi majeur pour le Bénin à l’heure où, il se bat pour atteindre l’autosuffisance alimentaire. Au cœur de ce défi, les petites et moyennes entreprises (PME) qui interviennent dans l’agroalimentaire et qui doivent se battre pour non seulement prouver leur potentiel aux consommateurs mais également éliminer progressivement la concurrence déloyale introduite sur le marché par les produits importés. Pour les aider à y arriver, Salamath Moustapha, directrice du cabinet de conseil en marketing  KNMS Sarl et productrice des sirops « Gincé » énumère des actions simples et accessibles pour permettre aux agripreneurs de relever leur principal défi, celui qui consiste à généraliser la préférence des populations pour le made in Benin.

Agratime : Pourquoi selon vous l’agrobusiness peine-t-il à prendre de l’envol au Bénin ?

Salamath Moustapha : Nous faisons un constat, c’est que l’agrobusiness foisonne, et même les gens de l’extérieur s’étonnent qu’il y ait tant d’engouement par rapport à tout ce qui est agrobusiness. Quand vous allez à une foire, plus de la moitié des exposants sont des transformateurs agroalimentaires. Mais le problème majeur, c’est que certains s’en sortent plus que d’autres, certains pas beaucoup. On assiste à une sorte de piétinement parce que la capacité financière manque. Certains bénéficient des aides, d’autres n’en ont pas. Les uns sont suivis, les autres ne le sont pas. Il y a aussi l’accompagnement technique dont certains bénéficient et que d’autres n’ont pas.

Ce qui rentre en jeux également c’est le marché. Le marché est un peu restreint parce que beaucoup ne sont pas à première vue demandeur du made in Benin. Ce n’est pas qu’ils sont réfractaires puisqu’on remarque que les productions s’améliorent, donc il y a de la demande. Seulement, les acheteurs de produits agroalimentaires ne se bousculent pas, et le cycle de vente des produits est trop long. Ce qui suppose que le produit reste beaucoup trop longtemps sur les bras de l’entrepreneur. Il y a aussi le manque de dynamisme des chefs d’entreprises agroalimentaires qui ne réservent pas forcément un budget marketing, qui ne mènent pas des actions commerciales, des séances de dégustation grand public. Pourtant, ce sont de nouveaux produits que la clientèle ne connaît pas. C’est pourquoi à certaines foires, vous retrouvez toujours les mêmes personnes qui s’essayent.

Le Bénin a organisé récemment un mois du « Consommons local », comment en avez-vous tiré profit ?

C’était du pain béni pour nous, car cela nous a légitimés. Déjà, sans le mois du « Consommons local », nous utilisons les canaux comme on peut. D’abord, il y a des affiches à la Chambre du commerce où on a pris des photos à côté. Cela nous a permis de faire notre Branding. En plus de cela, nous avons récupéré le logo en lui-même que nous avons associé à notre image-produit puis ventilé. Et en plus, en octobre nous avions mené une activité au sein d’une entreprise de vente de matériaux de construction afin de faire connaître notre produit au client de cette entreprise. Nous avons gagné en notoriété, nous avons réalisé des ventes. Des gens ont découvert notre produit, ils ont fortement apprécié. Nous avions fait un effort d’amélioration sur l’emballage qui a attiré aussi. Certes, ce n’était pas la grosse vente vu que l’action a une durée limitée.

Quels canaux suggérez-vous aux agro-entrepreneurs pour révéler leurs productions aux consommateurs ?

L’entrepreneur agroalimentaire doit savoir qu’il a encore du boulot pour faire connaître son produit. Il ne faut pas créer dans son coin et n’avoir aucune action dessus. C’est tout cela qui justifie le manque de visibilité. Il revient à l’agripreneur de passer par toutes les voies légales pour faire connaître son produit (la radio, la télé, les journaux, Internet). Et ne jamais manquer l’occasion de faire la mise en contact du produit avec les prospects. Cette mise en contact passe par les foires, par les séances de dégustation, de présentation-produit que souvent certains entrepreneurs ne saisissent pas. Eux-mêmes ne créent pas leur occasion de découverte.

Internet est également là, presque gratuit. Il y a le boostage, les partages sur les réseaux sociaux, les amis, les groupes whatsapp, les statuts, il a des activités personnelles que chaque entreprise peut initier. Donc, l’agripreneur doit poster quelque chose tous les jours, c’est une obligation ; c’est comme s’il ouvrait sa boutique. Il doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour parler de son produit. De plus, le côté markéting est inclus dans l’élaboration du prix du produit puisqu’il occupe un espace de publicité.

Quel est le rôle du secteur public dans le développement du consommer local ?

Le rôle du secteur public c’est de nous donner des facilités. Nous avons un problème de certification des produits, un problème de normalisation, un problème d’analyse pour les produits. Tout agro-entrepreneur veut aller à la certification. Ils souhaitent bien faire tout ce qu’il faut, mais les coûts les dépassent. Ils n’ont déjà pas suffisamment d’argent pour soutenir une croissance évolutive. D’autres commandent la certification et abandonnent, ce qui est dangereux, car lorsque vous abandonnez, vous êtes obligé de tout reprendre à un moment donné.

D’autres entrepreneurs encore ne se font pas accompagner lorsqu’ils mettent en place leur unité de production. Et quand elles ne respectent pas certaines normes de base, ceux qui donnent l’accréditation exigent de reprendre, de faire la mise aux normes qui leur reviennent un peu cher. L’État peut donc subventionner ces formalités pour protéger les agro-entrepreneurs. Ainsi, ceux qui viendront naturellement mener ces démarches seront nombreux. Dans ce sens, il y a la chambre de commerce, le CePEPE et l’ANPME qui fournissent déjà un accompagnement technique en gestion, en tenue d’entreprise, en comptabilité, etc. C’est déjà bien, mais ils peuvent aussi nous aider à faire de la publicité.

Propos recueillis : Méchac AWOKOLOÏTO

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