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« Au lieu de payer 12 %, le bénéficiaire éligible aux fonds de bonification payera 2 % »

Depuis quelques mois, le secteur agricole béninois subit de plein fouet, les impacts de la crise sanitaire mondiale liée au coronavirus. Conscient des difficultés de l’heure actuelle, le gouvernement a débloqué une aide de 100 milliards qui sera allouée aux acteurs agricoles sous forme de prêt. Longtemps à l’agonie, c’est au Fonds National de Développement Agricole (FNDA) qu’a été confiée cette  mission délicate mais salutaire. Son directeur général Valère Houssou, nous a accordé un entretien dans lequel, il nous livre non seulement les tenants et aboutissants de cette aide de l’Etat mais il revient aussi sur le fonctionnement et les services du FNDA qui sont très peu connus des bénéficiaires.

 

AGRATIME : Comment peut-on présenter aujourd’hui le FNDA aux acteurs agricoles ?

DG/ FNDA : Le financement du secteur agricole fait appel au financement de trois volets à savoir : l’investissement qui est du ressort de l’Etat, le conseil agricole qui prend en charge les aspects non financiers et l’exploitation agricole qui est du domaine du crédit. Pour répondre à l’ensemble de ces trois volets, l’Etat béninois a opté pour la création d’un instrument qu’on appelle le Fonds National de Développement Agricole (FNDA) qui est l’outil privilégié pour l’investissement privé dans le secteur agricole au Bénin. Il faut dire que nos premiers bénéficiaires qui sont les producteurs, ont souvent souffert de ressources appropriées, de garantie pour pouvoir accéder aux crédits pour garantir leurs exploitations. Le FNDA vient combler ce vide à travers ses trois (03) guichets.  Le FNDA offre des subventions aux bénéficiaires porteurs de projets d’investissement structurants dans le secteur agricole par le biais du guichet 1. Sont bénéficiaires à ce guichet, les organisations de producteurs regroupés en coopératives, ou des PME et PMI agricoles. C’est donc un guichet de subvention pour les investissements structurants. Le guichet 2 qui est aussi ouvert concerne l’ensemble des services non financiers. On parle ici de conseils agricoles, du renforcement des capacités des bénéficiaires, de l’accès aux marchés. Ce guichet est intitulé « accès aux services non financiers ». Là aussi, ces produits sont accessibles sous forme de subvention. Les bénéficiaires préparent un projet qui correspond à leur besoin et l’adresse au FNDA via les ATDA et nous finançons le projet sous forme de subvention. Enfin, le guichet 3 est dédié à l’accès aux services financiers. Les trois guichets fonctionnent correctement.

Où en êtes-vous aujourd’hui dans la mise en œuvre de votre mission principale ?

Nous y sommes, puisque les trois guichets sont ouverts. En 2019 par exemple, le FNDA a lancé un appel à projets. Donc nous travaillons sur ces projets et ceux qui ont transités par les ATDA jusqu’au FNDA sont en pleine instruction pour que les bénéficiaires qui ont été identifiés éligibles bénéficient de leurs subventions. Ainsi, tous les guichets sont opérationnels à la différence du guichet 3 que nous sommes en train de lancer et pour lequel nous avons prévu des actions de communications dans les semaines à venir.

Dans l’optique de l’atténuation des effets de la COVID-19, le gouvernement a débloqué une enveloppe de 100 milliards à l’intention des acteurs agricoles. Comment ceux-ci peuvent y avoir accès ?

Les cents milliards annoncés par le gouvernement sont totalement dédiés au guichet 3 du FNDA qui permet aux producteurs d’accéder au crédit. Cependant, je tiens à rappeler que le FNDA ne fait pas du crédit ; ce sont les banques et SFD partenaires qui accordent les crédits. Cette enveloppe est destinée à renforcer les trois sous-guichets du guichet 3. Le premier sous-guichet permet de renforcer les capacités des banques et des SFD à pouvoir prêter aux producteurs. Une partie des 100 milliards soit la moitié va là. La deuxième partie, soit 35 milliards va au deuxième sous-guichet du guichet 3 qui permet de garantir les prêts que les producteurs vont contracter auprès des banques et des SFD. Je l’ai dit tantôt, nos producteurs ont du mal à accéder aux prêts au niveau des banques et SFD quand bien ceux-ci ont des ressources. Ils ont ce problème parce qu’ils n’ont pas de garanties. Le gouvernement dit qu’il apporte 50 % de garantie. Cela suppose que ces structures financières sont confortées pour accroitre leur appétit au financement des producteurs agricoles. Le troisième et dernier sous-guichet du guichet 3 reçoit le reste de l’enveloppe, c’est le fond de bonification. C’est une mesure du gouvernement qui vise à booster un certain nombre d’activités éligibles à savoir les investissements, l’équipement, la production, par ces temps de COVID-19 où les acteurs ont du mal à mobiliser les revenus pour financer leur exploitation. Par cette mesure de bonification des taux d’intérêt, il est prévu que les bénéficiaires à ce sous-guichet aient le crédit à un taux de 2 %.

Pour l’ensemble de ces mesures, le gouvernement a décidé que désormais le taux d’intérêt auquel on doit faire les crédits aux producteurs ne dépasse pas 12 %. Contrairement à ce qui se faisait auparavant où auprès des SFD le crédit est autour de 24 %  par an contre 15 %  auprès des banques. À travers les mesures annoncées par le gouvernement, le crédit agricole ne dépassera pas 12 %. En plus de ce taux de référence plafond fixé pour l’ensemble des deux sous-secteurs (banques et SFD, ndlr), il est prévu la mesure de bonification pour booster le secteur production, ce qui va encourager les producteurs à accroitre leurs investissements et leurs équipements. Cela veut dire qu’au lieu de payer 12 %, le bénéficiaire éligible au fond de bonification, payera 2 % et le gouvernement prendra en charge pour lui le différentiel auprès de la structure financière qui a fait le crédit.

Un producteur agricole dans une exploitation maraichère à Sèmè Kpodji

 

Est-ce que tous les acteurs agricoles sont éligibles à ces crédits ?

En effet, tous les acteurs sont éligibles, mais cela dépend du projet qu’ils soumettent, parce que pour être éligible, il faut avoir un projet qui doit être transformé en plan d’affaires bancable, pour qu’il séduise les structures financières. Donc tous les acteurs agricoles sont éligibles à cette aide sans exception. Cependant, les mesures de bonification ne s’appliquent pas à tout le monde puisque ces mesures visent à booster la production qui est le maillon le plus difficile puisque la rentabilité est faible et prend du temps. Les mesures de bonification seront attribuées en fonction du projet sinon la garantie qu’apporte le FNDA est pour tous les producteurs sans exception.

En dehors du plan d’affaires, existe-t-il une procédure particulière pour accéder aux banques et au SFD par le biais du FNDA ?

La procédure est simple. Pour bénéficier de ces mesures, vous réalisez votre plan d’affaires et constituez votre dossier avec ou sans l’appui des cabinets d’encadrements. Et pour cause, avant le FNDA certains producteurs avaient déjà des relations d’affaires avec les banques et les SFD. Donc le FNDA constitue un appui pour booster ces relations préexistantes. La grande masse n’a malheureusement pas appris à faire avec les banques et les SFD. Ceux-là auront donc besoin d’être encadrés soit par des ONG, soit par des cabinets pour le montage du plan d’affaires bancable et l’élaboration des états financiers. Vous n’êtes pas sans savoir que pour contracter un prêt auprès de structures financières lorsque vous êtes une entreprise existante déjà, vous devez produire trois états financiers mais lorsque vous êtes une entreprise nouvelle, vous devez fournir un bilan d’ouverture ; ce que bon nombre de promoteurs ignore.

Avez-vous des prestataires pour le montage des plans d’affaires bancables aux entrepreneurs agricoles ?

Évidemment ! Il y a ceux que nous appelons les structures d’appui et d’encadrement (SAE) qui sont agréées par la BCEAO. Ils sont une douzaine qui existe déjà et qui est bien connue des banques, qui travaillent avec les PME et les PMI agricoles. Nous rendrons publique en son temps leur liste pour que tout le monde puisse les avoir. Dès lors que vous avez constitué votre dossier avec ou sans l’appui de ces cabinets et structures, vous allez directement le déposer dans la banque ou le SFD de votre choix, mais qui est partenaire du FNDA. Après cette étape, vous pouvez faire le suivi soit par vous-même, soit via le cabinet ou l’ONG qui vous a accompagné.

Le financement ayant été jusque-là, le talon d’Achille du secteur agricole, pouvez-vous rassurer les acteurs que toutes les mesures sont prises pour que le FNDA s’inscrive dans la durée ?

La réponse est un oui sans équivoque. Je rappelle que le FNDA n’est pas un projet parce que beaucoup ont appris à travailler avec les projets et programmes. Le FNDA est le seul instrument public qui a une durée de vie illimitée. Ce n’est donc pas par hasard que nous formons un tandem avec les structures privées comme les banques et les SFD pour le financement du crédit. Avec ses produits notamment la garantie, la bonification et le refinancement, le FNDA apporte les ressources aux SFD qui financent les petits exploitants et manquent de ressource. De plus, le FNDA est consacré par un décret qui lui donne une durée de vie illimitée. Je tiens néanmoins à souligner que le FNDA ne financera pas à lui seul tous les besoins en financement agricole. Le FNDA est un catalyseur pour l’investissement privé. Il servira de levier pour mobiliser l’investissement privé dans le secteur agricole.

Quelles sont vos perspectives à court et à moyen terme ?

En termes de perspectives, il faut dire que nous travaillons sur d’autres solutions pour approcher davantage la problématique du financement dans le secteur agricole. Aujourd’hui, nous nous appuyons sur les banques et les SFD. La différence entre ces deux entités c’est que l’une est grossiste et que l’autre est détaillante. Malheureusement, ils ne sont pas des acteurs qui prennent le risque qui convient pour financer convenablement le secteur agricole. Pour cette raison, nous réfléchissons à d’autres instruments financiers pour pouvoir prendre véritablement en charge le financement de nos PME et PMI agricoles. Les ressources que les banques prêtent sont mobilisées ailleurs. Elles sont donc très frileuses en matière de prise de risque. Nous travaillons donc sur d’autres instruments qui seront dévoilés dans quelques mois.

 

Propos recueillis par André Tokpon & Méchac Awokoloïto

 

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